Nouvelles règles de la taxonomie de l'UE : L'équilibre délicat entre ambition verte et pragmatisme
- Samantha Liu
- 28 juil.
- 7 min de lecture
Le plan vert : De l'idéal à la réalité
La taxonomie de l'UE, établie en 2020 (Règlement 2020/852), est la pierre angulaire du Pacte vert européen. Son ambition première est de créer un système de classification unifié pour orienter les investissements vers des activités économiques durables, combattre le «greenwashing» et propulser l'UE vers la neutralité carbone d'ici 2050. Une activité est définie comme «durable» si elle contribue substantiellement à au moins un des six objectifs environnementaux suivants :
Atténuation du changement climatique
Adaptation au changement climatique
Utilisation durable et protection des ressources aquatiques et marines
Transition vers une économie circulaire
Prévention et contrôle de la pollution
Protection et restauration de la biodiversité et des écosystèmes
L'activité doit également respecter le principe de «ne pas causer de préjudice significatif» (DNSH) aux autres objectifs, et adhérer aux droits humains fondamentaux et aux normes du travail.

Malgré cette vision audacieuse, la taxonomie s'est heurtée à des défis pratiques.
Sa complexité, la lourdeur des exigences de reporting et les difficultés d'application et de coordination internationale ont été rapidement soulignées par les acteurs du marché. Cet écart entre une réglementation ambitieuse et la réalité opérationnelle a rendu le cadre, bien que salué comme une «norme d'or», potentiellement contre-productif.
Face à ces constats, la Commission européenne a réagi. En février 2025, elle a lancé le «paquet Omnibus I», adoptant le 4 juillet 2025 une série de mesures visant à simplifier l'application de la taxonomie, à alléger la charge administrative et à renforcer la compétitivité de l'UE. Ces révisions, sous forme d'acte délégué, devraient entrer en vigueur le 1er janvier 2026, couvrant les divulgations pour l'exercice financier 2025. L'UE cherche ainsi à trouver un équilibre entre l'efficacité réglementaire et la facilité d'utilisation.
La taxonomie allégée : Un aperçu des mesures clés
Les nouvelles règles introduisent des ajustements orientant le reporting de la taxonomie vers une approche plus proportionnée et ciblée :
Un seuil de matérialité fait son apparition. Les entreprises non financières peuvent omettre les évaluations détaillées de la taxonomie pour les activités dont le chiffre d'affaires, les dépenses d'investissement (CapEx) ou les dépenses d'exploitation (OpEx) agrégées représentent moins de 10 % du total de l'entreprise. Les institutions financières bénéficient d'exemptions similaires pour le calcul des indicateurs clés de performance (KPI) comme le ratio d'actifs verts (GAR). Il est toutefois précisé que ces activités non matérielles devront toujours être divulguées séparément dans les modèles de reporting.
Les points de données de reporting sont drastiquement réduits. Le nombre de points de données requis dans les modèles de reporting est diminué de 64 % pour les entreprises non financières et de 89 % pour les entreprises financières. Cette mesure vise à simplifier le traitement des données et à favoriser l'automatisation du reporting.
Le principe DNSH est simplifié. Les exigences de «ne pas causer de préjudice significatif» (DNSH), en particulier pour la prévention et le contrôle de la pollution, sont clarifiées et restreintes, se concentrant sur une liste plus courte de substances afin de réduire l'incertitude juridique. L'exigence de filtrage des substances auto-classées est également supprimée.
Les seuils de reporting sont ajustés. Les seuils de reporting pour la Directive sur le reporting de durabilité des entreprises (CSRD) sont relevés : de 500 à plus de 1 000 employés, combinés à un critère de chiffre d'affaires de plus de 450 millions d'euros. La Commission estime que cela réduira de 80 % le nombre d'entreprises soumises à l'obligation de reporting.
Un report optionnel est accordé aux institutions financières. Les entreprises financières peuvent différer de deux ans (jusqu'à fin 2027) le reporting détaillé des KPI de la taxonomie, à condition qu'elles déclarent que leurs activités ne revendiquent pas l'alignement avec la taxonomie.
Des avantages concrets pour les PME. Les entreprises se situant en dessous des nouveaux seuils (moins de 1 000 employés ou chiffre d'affaires inférieur à 450 millions d'euros) sont exemptées de l'obligation de reporting, ce qui devrait réduire leur charge de travail de 35 %. Les PME non cotées bénéficient également d'une approche volontaire simplifiée, axée sur un ensemble limité de métriques pour les contributions climatiques et supprimant les évaluations DNSH/Garanties sociales minimales (MSS), visant à améliorer leur accès à la finance verte.
Alléger le fardeau et préserver l'ambition verte
Ces mesures de simplification, bien qu'offrant un soulagement notable, suscitent également des interrogations quant à l'intégrité et l'efficacité du programme de finance durable de l'UE.
D'une part, les avantages de cette simplification sont clairs. La réduction de la charge administrative est le bénéfice le plus évident, avec des économies estimées à plus de 6 milliards d'euros par an en coûts administratifs. Cela permet aux entreprises de réaffecter leurs ressources vers leurs activités principales et leurs efforts de transition. L'introduction de seuils de matérialité et la réduction des points de données aident les entreprises à se concentrer sur les activités qui ont un impact environnemental significatif, une approche proportionnée du reporting perçue comme un signe de maturité réglementaire. Pour les PME, l'allègement du fardeau de reporting et l'introduction de méthodes simplifiées devraient faciliter leur accès aux financements verts et de transition. Enfin, ces changements offrent une opportunité d'améliorer la coordination entre les divulgations de la taxonomie de l'UE et les reportings CSRD/SFDR, réduisant potentiellement la duplication entre les cadres de durabilité.

D'autre part, des préoccupations et des critiques importantes émergent. Des voix s'élèvent, notamment celles de la Plateforme de l'UE sur la finance durable et de diverses ONG, avertissant que la réduction du champ d'application et l'introduction de seuils de matérialité pourraient «sérieusement saper le rôle de la taxonomie en tant qu'outil innovant pour orienter les investissements et suivre les flux de capitaux», voire «ouvrir la porte au greenwashing». L'Autorité européenne des marchés financiers (ESMA) a également suggéré que la réduction de la «paperasse» pourrait «retarder la transition verte». La diminution du nombre d'entités de reporting et des points de données risque d'entraîner une «perte significative de données», rendant plus difficile pour les investisseurs de comparer les entreprises et de remplir leurs propres obligations SFDR, ce qui «diminue l'utilité des données pour la prise de décision». Paradoxalement, malgré l'objectif de simplification, les nouvelles exemptions et définitions, comme le seuil de matérialité de 10 %, pourraient introduire «une autre couche de complexité» d'un point de vue juridique et opérationnel, la charge administrative ne disparaissant pas mais changeant de nature. Un consortium de huit ONG, dont ClientEarth, Anti-Slavery International et Clean Clothes Campaign, a déposé une plainte formelle auprès du Médiateur européen le 18 avril 2025, dénonçant la manière «non démocratique, non transparente et précipitée» dont la Commission a élaboré la proposition Omnibus. Elles ont affirmé que cette «soi-disant simplification ne contribue en rien à améliorer la compétitivité» et «affaiblit les règles de durabilité».
Ces mesures de simplification sont étroitement liées aux objectifs explicites de renforcement de la compétitivité de l'UE et de réduction de la «paperasse». Cela reflète une priorité politique, notamment en réponse aux critiques de l'industrie concernant la «surréglementation». Le paquet de simplification est un compromis politique, cherchant à «trouver le juste équilibre entre la réduction de la charge administrative excessive pour nos entreprises, tout en gardant nos objectifs à long terme en ligne de mire». Son succès à long terme dépendra de sa capacité à réellement favoriser la compétitivité sans compromettre la crédibilité et l'efficacité du cadre de finance durable, éléments cruciaux pour attirer les capitaux verts.
Naviguer dans l'avenir de la finance verte
Les nouvelles règles inciteront les entreprises et les institutions financières à des ajustements stratégiques, tout en influençant la position de l'UE dans la finance durable mondiale.
Impact sur les entreprises :
Celles nouvellement exclues du reporting obligatoire devraient évaluer si le reporting volontaire selon des normes simplifiées peut leur conférer un avantage concurrentiel, par exemple en termes de valeur de marque, de confiance des investisseurs et d'accès au capital. Celles qui restent dans le champ d'application obligatoire devront mettre à jour leurs systèmes de reporting internes et leurs processus de gestion des données pour s'adapter aux exigences réduites et aux nouveaux seuils de matérialité.
Impact sur les investisseurs et les marchés financiers :
Bien que les institutions financières bénéficient de la réduction des points de données et des reports optionnels, elles pourraient rencontrer des difficultés pour obtenir des données complètes et comparables des entreprises dans lesquelles elles investissent, en particulier celles qui ne sont plus soumises au reporting obligatoire. Cela pourrait affecter la précision et la comparabilité des indicateurs clés comme le ratio d'actifs verts (GAR). Le marché pourrait devoir développer de nouvelles méthodes d'estimation des données ou s'appuyer sur des sources de données alternatives pour combler les lacunes d'information. La réduction significative du champ d'application du reporting obligatoire (80 % des entreprises ne sont plus soumises à la CSRD) suggère un futur paysage de reporting «à deux niveaux» : les grandes entreprises resteront sous reporting obligatoire strict, tandis que les entités plus petites pourront opter pour un reporting volontaire afin de répondre aux attentes des investisseurs ou des parties prenantes en matière de finance durable.
Le leadership mondial de l'UE en matière de finance durable :
L'UE s'est positionnée comme un leader mondial en matière de finance durable. Ces mesures de simplification, tout en répondant aux préoccupations nationales, seront suivies de près par d'autres juridictions. L'équilibre trouvé entre la charge réglementaire et l'ambition environnementale pourrait servir de modèle ou de mise en garde dans l'évolution des normes ESG mondiales. Ce débat souligne également la difficulté d'atteindre l'interopérabilité internationale lorsque les cadres nationaux subissent des changements significatifs. Le report optionnel de deux ans pour le reporting détaillé des KPI financiers suggère une orientation vers la flexibilité et la proportionnalité, avec potentiellement plus de mécanismes de «se conformer ou expliquer» à l'avenir.
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